[6° Colloque Aquitain]





  Interview de Jean Leonetti en vue du Colloque Aquitain de Soins Palliatifs 2015  

Pourquoi est-il important pour vous d’intervenir lors du Colloque Aquitain de Soins Palliatifs et d’Accompagnement ?

Depuis près de 2ans et demi, j’ai engagé un Tour de la France de la Fin de vie afin de faire de la pédagogie autour de la législation actuelle. Dans la plupart des cas, je décompose mon déplacement en 2 temps : tout d’abord une visite dans une unité de soins palliatifs pour discuter avec le personnel soignant puis ensuite une conférence citoyenne afin de débattre librement. Ce colloque aquitain sera une nouvelle occasion pour moi d’expliquer l’importance de la bonne application de la loi mais aussi d’exposer les nouvelles modifications que j’y apporte dans la nouvelle loi qui est en discussion actuellement au parlement.

 

-       Comment voyez-vous aujourd’hui le devenir de votre loi ?

Dans le dernier rapport Sicard, il s’est avéré que la loi de 2005 était encore mal connue par la population mais également par le personnel soignant. Cette loi qui change en profondeur les pratiques médicales n’a que 10ans et je pense qu’il a fallu le temps pour que cela s’imprègne. La nouvelle loi que j’ai proposée au chef de l’Etat avec mon collègue Alain Claeys fait évoluer certains points qui restaient encore flous mais elle n’a de sens que si 2 points évoluent fortement : le développement des soins palliatifs avec un nouveau plan à mettre en œuvre mais également une réelle évolution dans la formation du personnel soignant.

 

 

-       Quel bilan faites-vous de cette loi à l’occasion de ce 10ème anniversaire ?

Même si tout le monde s’accorde pour reconnaître l’évolution considérable qu’a apporté cette loi, il est évident qu’elle est encore peu connue. C’est pour cela que j’ai voulu me lancer dans ce Tour de France pour expliquer chaque point de la législation et répondre au questionnement de la population. C’est pour cela que j’insiste sur l’importance de la formation car les lois ne peuvent pas tout régler. La loi est avant tout normative et elle pose un cadre général. Si l’on souhaite faire intégrer les bonnes pratiques des soins palliatifs dans tous les échelons médicaux, il faut vraiment développer la communication autour des textes de 1999, 2002, 2005 et bientôt 2015.

 

-       Quelle est la différence entre la sédation profonde et l’interdit de donner la mort de façon délibérée ?

La loi de 2005 tourne autour de 3 grands principes : je ne t’abandonnerai pas , je te prolongerai pas de manière anormale et je ne te laisserai pas souffrir. Le point fort du nouveau texte est le suivant : un "droit à la sédation profonde en phase terminale". Le malade, s'il est en fin de vie et s'il continue à souffrir, pourra réclamer, si la loi est votée, le droit de dormir avant de mourir. Ce qui change, c'est qu'à présent, c'est le malade qui décide, et non plus le médecin. Il y a un fondamental dans les grands pays démocratiques : on ne donne pas la mort, les médecins ne sont pas faits pour ça. Je suis clairement opposé à une légalisation de l'euthanasie.  Dans le cas retenu par la loi, l'intention n'est pas de donner la mort mais de soulager le malade avant de l'endormir pour toujours. D'ailleurs, il n'est pas question d'injecter un produit létal mais uniquement de puissants sédatifs. On est donc loin de ce qui se pratique en Belgique et en Suisse avec une "aide à mourir" avec un cocktail de médicaments (relevant de l’euthanasie ou du suicide assisté).

 

-       Quelles pistes pour mieux informer et sensibiliser les professionnels de santé ? Qui doit s’en charger ?

Comme je le dis souvent après la publication des décrets d’application d’une loi, il faut engager un « service après-vote » avec une grande campagne de communication. Dans le cas de la loi de 2005 qui est une loi de parlementaires et non du gouvernement, comme elle avait été votée à l’unanimité, tout le monde s’est dit que cela allait rentrer dans les mœurs. Et bien non, le travail de pédagogie n’a pas été fait et aujourd’hui nous avons encore 20 à 30% de patients qui souffrent en fin de vie alors que la législation actuelle permet d’éviter ces situations. Je pense donc que le gouvernement devra engager des moyens pour intensifier la communication de la nouvelle loi via des campagnes publicitaires notamment sur les directives anticipées.